Haro sur la ligue corse !
Organiser une AG lors du second tour d’une élection municipale, fallait l'oser. Lorsque l’on sait le nombre de présidents de clubs engagés, en tant que citoyens, dans diverses démarches politiques, on ne cherche visiblement pas à ce qu’il y ait du monde. En l'espèce, la direction FFE a atteint son objectif. avec, à peine une poignée de présidents sur les près de mille qui constituent la Fédération. Il n'y a jamais foule pour les AG, mais là tout de même...
L’AG devrait aussi être un lieu privilégié pour les débats de fond. Or tous ont été escamotés. En particulier celui sur le choix pour la présidence de la FIDE renvoyé au Comité Directeur de juin. Comme si les présidents de clubs n’avaient pas leur mot à dire. On croyait, pourtant, qu’une ère nouvelle de prise de parole des clubs était en cours. Diego Salazar prétend qu’il n’a pas encore arrêté de position alors que que l’équipe de Kasparov affirme qu’il a signé un soutien en échange de la participation du champion à une foire à Chalons en Champagne. Complexe la situation...
Brisant avec toutes les pratiques précédentes, durant cette AG seul le président s’est exprimé et répondu aux questions. Aucun rapport oral si ce n’est celui du trésorier. M. Reyreau a donc listé les événements qui impacteraient le budget de manière négative, parlant, de façon pondérée toutefois, du non renouvellement d’une grande partie des licences corses. Mais oubliant, bien sûr, qu’en matière de sponsoring l’équipe Salazar est bredouille. En une année le seul effort accompli a été de payer 25 000 € une agence qui est chargée de faire le boulot d’un président pourtant salarié. Mais où est donc passé le million d’euros annoncé de façon tonitruante la veille du scrutin fédéral ?
A quoi sert donc un Président si ce n’est pour, en priorité, comme tout leader d’une fédération sportive, tisser des réseaux, souligner l’intérêt des Echecs pour la société et particulièrement pour les jeunes et attirer, ainsi, de grands partenaires ? Un commercial, aussi futé soit-il, ne pourra remplacer l'aura d'un président. Comme l’avait démontré Jean-Claude Moingt avec BNP Paribas. Heureusement, d’ailleurs, le partenaire officiel est toujours là et n'est pas trop regardant, par exemple, sur l’effondrement du Challenge Blitz portant son nom.
Pour masquer le déclin actuel il faut susciter un écran de fumée. La ligue corse, et son Président, sont donc les cibles privilégiées de Diego Salazar et d’une partie, fort heureusement de plus en plus réduite, de sa garde rapprochée. Place d’abord au pathétique ex-président Jacques Lambert qui, avec son doigté habituel, a traité l’attitude de la ligue corse de « minable, puérile, lamentable ». En bon tacticien, Bachar Kouatly ira jusqu’à demander à l’AG de "voter une motion pour condamner cet acte". Il est vrai que le patron d’Europe Echecs n’a pas peur non plus des excès de langage. Rappelons ses propos de campagne annonçant que grâce au partenariat FFE/Europe Echecs la création de milliers de licences A nouvelles seraient créées. Au dernier décompte il y en aurait quelques dizaines ! En définitive, le seul bénéfice de l’opération aura été de permettre à Europe Echecs de grappiller, grâce à la logistique fédérale, une poignée d’abonnés pour sa zone de jeu.
L'importance du elo corse
Alors il convient de rétablir les faits qui attestent que le but de la ligue corse n’est pas motivé par un esprit de vengeance. Il ne faut pas perdre de vue que la FFE ne se résume pas à Diego Salazar. C'est une grande association qui mérite de vrais débats. Il faut donc expliquer que les choix de la ligue sont dictés par le seul souci de créer des moyens techniques adaptés au développement de masse. En ce sens, ce qui se passe dans l'île, est, il faut l’espérer, ce qui se passera demain ou après-demain, ailleurs.
Ecartons d’emblée l’impact financier. Il est dérisoire. La ligue corse a actuellement 322 licenciés A, ce qui place la Corse au 2e rang au niveau fédéral par tête d’habitant (derrière l’Alsace, 1,2). Pour 1 000 habitants cela représente 1,08 tandis que, au hasard, les autres ligues sont bien moins actives : Ile-de-France (0,45), Lyonnais (0,39), Nord-Pas de Calais (0,26), et la Champagne-Ardennes…0,49. Les licences corses A sont, et cela fera plaisir aux nombreux puristes qui pourfendent la stratégie de masse insulaire, de vrais licenciés qui jouent, tous, des compétitions. Ils sont actifs à 100 % ! Tous ont participé à au moins un tournoi à cadence classique homologué FIDE et FFE. Ce qui là place notre île très loin devant toutes les autres régions pour ce pourcentage de compétiteurs.
L’impact au niveau de la trésorerie fédérale est minime. Nous atteindrons les 350 licences A à la fin de l’année sportive (31 août). Au passage soulignons l’incongruité de la discussion à l’AG car qui peut connaître le nombre de licenciés corses à cette date. Les débats de l’AG de mars 2014 ne doivent-ils pas porter sur l’année sportive 2012/2013, comme y invitent tous les rapports et bilans ! A l’évidence oui. Auquel cas il fautait fallu vanter la Corse, qui avec ses 310 000 habitants, a eu dans cette période presque autant de licenciés que l'Ile-de-France et ses 11 millions d'âmes et qui a organisé bien plus de compétitions internationales dont des tournois de blitz dans des villages de 150 habitants mieux dotés que l'open de Paris et environnement économique incomparable. On voit bien que le débat prématuré sur la Corse participe d’une volonté de détourner l’attention.
Mais les faits sont là, têtus : l’impact sur les comptes FFE, est faible. Et, en tous cas moins pénalisant que pour les propres finances de la ligue corse d’Échecs ! Car rappelons que 50 % du montant des licences A est redistribué aux ligues. La FFE aura environ 9 000 € de recettes en moins (en incluant 4951 licences B à 1,50 €).
Cette somme est en partie compensée par les droits payés à l’occasion de nombreux nouveaux tournois homologués FFE et FIDE qui, on le sait, placent également la Corse, comme exemple au niveau international. Le débat, dès lors, méritait-il qu’une bonne demi-heure lui soit consacrée et toutes ces volées d’insulte ?
Mais, le plus important pour tous ceux qui sont abusés par cette propagande, est d’expliquer la politique de la ligue et de décrire son impact populaire.
Les dirigeants fédéraux ne devraient-ils pas se réjouir qu’une Ligue, qui est rattachée à une fédération sportive, ait ce bilan :
•la participation de plus de 7 000 joueurs à, au moins, un tournoi (blitz, rapide, cadence classique), nous vous invitons à consulter ce lien qui détaille cette réalité, ce qui vaut tous les discours...
•l’organisation de plus de 500 tournois chaque année, dont 3 opens internationaux regroupant des dizaines de GMI, le plus grand tournoi de masse au monde (3 500 joueurs cette année en juin à Bastia),
•la création de 16 emplois CDI permettant de dispenser 1h d’enseignement par semaine auprès de 8 000 scolaires
•le soutien d’une centaine de sponsors privés, la mobilisation de toutes les institutions, un budget annuel supérieur à celui de toutes les autres ligues additionnés, plus de 150 000 € de dotations pour l’ensemble des tournois organisés dans l’île…
Le elo corse explique en large partie cette forte avancée. Techniquement adapté à la réalité de masse il permet, ce que ne peut le faire une licence B traditionnelle, une autre graduation des points elo (à partir de 200 pour les plus petits, et une montée progressive par tranche d’âge). Ce classement instantané, publié le lendemain d’un tournoi, recueille un vif intérêt comme en témoigne la multiplication par 5 en quelques mois des connexions au site de la ligue. Un site au passage très animé, avec des actualisations régulières et une web tv, tandis que le site fédéral est de plus en plus poussif, en total déclin (il n’est que comparer le nombre de news par exemple du 1er trimestre 2013 avec celles de 2014…). Le elo corse constitue donc un formidable tremplin pour que des joueurs aillent plus loin et… deviennent des licenciés A ! Il est donc complémentaire sachant épouser les spécificités d’une action pour le grand nombre pour mieux enrichir le haut de la pyramide.
Un président fédéral face à ses responsabilités
Au lieu de se féliciter d’une telle dynamique, le président Salazar s’en inquiète. Sans doute ce dynamisme contraste-t-il trop avec son immobilisme et ses carences dans bien des domaines.
Il est vraisemblablement encore trop tôt pour dresser un bilan définitif. Mais, tout de même, les faits s’accumulent et l’écran de fumée sera intégralement dissipé avant la prochaine AG. Il sera alors, seul, face à ses tâtonnements et son incapacité de donner, à cette belle Fédération, les moyens de poursuivre le bon développement de ces dernières années. Seuls les acquis et les réserves des précédentes années lui permettent de donner l’illusion qu’il y a encore une réalité convenable…