Il y a une formidable symbolique dans la victoire de Marc’Andria. Le jeune bastiais a été initié aux Échecs à … l’école de Toga. Là, précisément, où a commenté la belle aventure de la Ligue corse. Il y a une vingtaine d'année, Jean-Philippe Orsoni, l’infatigable directeur de la ligue, y donnait les premiers cours pour quelques scolaires. La Corse avait une poignée de licenciés (120) et deux clubs.
Ce qui était, au demeurant, une moyenne raisonnable, celle relevée aujourd’hui dans pratiquement toutes les autres ligues et clubs fédéraux.
Mais un choix décisif fut opéré : avoir une stratégie de développement et adapter la tactique pour garantir son succès. En d’autres termes mettre tout nos moyens dans la formation, privilégier les Echecs dans le temps scolaire et faire la synergie entre ce début de réalité et la vie des clubs.
Huit autres structures et la Ligue furent ainsi créées tandis que l’enseignement s’étendait à 500 puis 1 000 puis 3 000 , 4 000 et 6 000 enfants aujourd’hui à raison de 30 h par an dans le temps scolaire.
Au même moment, comme dirait l’autre, des efforts ont été développé pour la recherche de soutiens institutionnels et de sponsors. Peu à peu, 10, puis 50 pout aujourd’hui une centaine d’entreprises, qui, par le mécénat ou la publicité, financent plus de 40 % de notre activité. Même progressivité dans l’adhésion des institutions. Je vous donne un exemple récent de l’impact échiquéen dans l’île. Avec la suppressions des TAPs la Ligue a perdu 53 000 € de ressources annuelles. Nous avons écrit à tous les maires concernés pour qu’ils subventionnent le maintien, dans leurs communes, de notre activité. Pratiquement tous nous ont répondu, nous avons pratiquement recueuilli la même somme en un mois !
Le budget de notre association est ains passé de 30 000 € à à 850 000 € aujourd'hui, ce qui représente plus que le total de toutes les autres ligues réunies. Avec un, puis trois, puis dix et aujourd’hui dix-sept salariés CDI.
Mais, c’est dans le domaine de l’animation sportive que le bilan est le plus remarquable. Deux événements regroupant quelques dizaines de joueurs (ce qui était, là également, une moyenne correcte en 1996) pour 400 tournois annuels dont sept grands événements internationaux concernant, désormais, 8 300 licenciés !
Cette victoire Marc’Andria la doit, en premier lieu, à son immense talent. Une grande fluidité dans son jeu, une immense capacité de calcul expliquent amplement ce succès. Mais sa rencontre avec les Echecs s’était faite de façon quasi obligatoire sur les bancs d’une école où des centaines ont bénéficié de la même possibilité. D’ailleurs, combien de Grand Maîtres n’ont jamais été décelés car leurs chemins individuels n’ont jamais croisé les diagonales d’un échiquier. Le N°3 français, Laurent Fressinet, me racontait encore hier soir qu’en ce qui le concerne ses parents avaient désespérément cherché un club de jeu de Dames pour se rabattre, en désespoir de cause, sur un club d’Échecs.
On le voit donc, et je n’aurais de cesse de le répéter, plus la base est large, plus haut est son sommet. Le modèle corse ne peut certes pas s’exporter intégralement. Mais, quand même, il devrait peut être conduire à des remises en cause de la routine élitiste ou d’une illusIon de développement ressassant toujours les mêmes joueurs passionnés ou talentueux sans attirer la masse.
Lorsque dans une délégation fédérale de 34 joueurs qui ont participé aux championnats d’Europe le 1er et le 3e meilleur résultat (Albert Tomasi 13e U 14) est réalisé par des corses, ça pourrait aussi inciter à cette réflexion.
Demain, au cœur de Paris, nous organiserons avec le beau soutien de la Ligue d’Ile de France, un bel événement. Il permettra aux centaines de personnes qui vont y participer de mesurer la force de la chaleur humaine, de la fraternité, et du grand respect que suscite ce sport. Car c’est cela aussi le grand challenge de la stratégie insulaire : privilégier la convivialité et le respect de l’autre.
Léo Battesti